La vérité vraie

Il y a toutes sortes de mères et de maternités. Il s’agit selon moi d’un concept indélébile pour lequel j’ai le plus grand respect. Je ne serais pas la femme que je suis sans mes tantes, ma belle-mère, les mères de mes amies et de mes amoureux précédents, mes enseignantes et autres mentores du petit quotidien. Avec humilité, j’assume que ma fille ne pourra s’épanouir qu’avec l’apport de ses éducatrices, tantes, futures enseignantes, coachs, patrones et j’en passe. De toutes ces femmes j’applaudis l’inestimable contribution en cette journée de la fête des Mères.

Toutefois, certains aspects de la maternité n’appartiennent vraiment qu’à celles qui la pratiquent au quotidien.

Le chum : (série de gros mots parisiens) Elle a pris TOUS les masques et vidé TOUT le savon à mains!!!!!

Moi : Relaaaxe. Elle joue à la COVID. Laisse-la explorer.

Le chum : Pis ça c’est quoi, le petit pot en verre par terre? Me semble que ça a l’air cher.

Moi : MA CRÈME!!!! (suite de gros mots québécois)

Le chum : Relaaaxe. Elle joue à la mère. Laisse-la explorer.

Les grandes émotions.

On est moyennement préparées. Okay, le manque de sommeil. Okay, le « terrible two ». Okay, la conciliation famille-travail. Les mentalités évoluent et le marketing maternel incorpore de plus en plus les zones moins reluisantes de la maternité, mais il est encore trop rarement question de la réelle gamme d’émotions qui vient avec le fait d’avoir un enfant. Entendons-nous : les joies sont immenses et les fiertés sans bornes. J’ai pleuré d’émoi dans les bras de mon chum le matin où elle s’en enfin habillée toute seule. La première fois qu’elle m’a répondu « D’accord » plutôt que « Non », j’ai eu l’authentique impression d’être apte à régler le conflit israélo-palestinien.

Mais…les grandes émotions…surtout les pas belles, les trop fortes, c’est comme les vêtements d’hiver qu’on s’apprête à ranger : on y reviendra tantôt, plus tard, jamais.

Les enfants, eux - Boulette du nombre -, n’ont pas ce problème. Leurs émotions sont hissées au plus haut du mat de l’instant vécu, revendiquées comme un droit le plus fondamental, scandées à outrance jusqu’à l’outrage.

Franchement, c’est inspirant.

h   b v vnvnbnmb bbbbb bv,b b b

Euh - c’est quoi cette suite de consonnes incongrues, me demandez-vous? Parce que je n’invente que trop peu, voici la vérité vraie : j’ai quitté mon poste, littéralement 17 secondes, pour aller aux toilettes, et c’est le moment que l’héritière a choisi pour prendre le contrôle de ce que j’ai de presque aussi précieux qu’elle, après avoir **garroché** sa couche post-sieste à terre.

S’installe alors en moi une émotion - qualifiez-la comme vous voulez mais juste vous dire que ça penchait pas du côté de la parentalité bienveillante - que je jugule péniblement. Je l’aime, mon ordi, okay? #millenialmom

Moi pis mon émotion déferlante : BOULETTE!!! QU’EST-CE QUE TU FAIS?!?

Boulette : i-garde, maman! ‘e t’availle!

Moi pis mon émotion déferlante : DESCENDS-DE-MA-CHAISE-TOUT-DE-SUITE-ET-NE-TOUCHE -JAMAIS-À-L’ORDINATEUR-DE-MAMAN-MERCIIIII

Boulette : D’acco’. ‘e t’aime.

L’équilibre est parfois, très, très, très précaire et ce, au sein d’un seul et même instant furtif.

Je n’ai jamais - jamais - ressenti autant d’émotions que depuis que Boulette est dans ma vie. Une minute je la mettrais dans la même boîte que ses petits pyjamas pour la ressortir une ou deux fois par année, l’autre, je l’aime plus que tout dans tout l’univers, au détriment de mon organicité. C’est un cycle incessant, quotidien.

Bref. Ce texte n’était pas du tout censé bifurquer autant, mais c’est ça qui arrive.

Alors qu’on se le dise : le jour de la fête des Mères, c’est important. Ça me prend une fleur gossée dans du liège, un casseau de fraises en carton avec ta petite face dessus, des biscuits ratés que t’as faits - zéro en cachette - avec papa et surtout un très, très, très gros câlin de tes tout petits bras. Tu es à la fois mon reflet et ma discordance. Ma petite création et ma grande confrontation. Tu ne le sais pas, mais cette attention patentée tout croche que tu prendras le temps de m’offrir par un beau matin de mai, je vais la mettre juste à côté de mon ordinateur, et ça - surtout ça - personne n’aura le droit d’y toucher.

Joyeuse fête des Mères, les filles.

Au plaisir,

MSBe