Le don de soie

L’appréciation du temps des Fêtes s’établit sur une échelle de 1 à Catherine Gagné, Mama Latibulle en personne : à 1 tu apprécies la neige en photo, à Cath il y a de la neige dans ton salon. Vous voyez le genre ? Pour ma part, je crois être un bon 8. J’aime beaucoup voir la famille, boire des bulles impromptues pour souligner des résolutions utopiques, offrir mes meilleurs vœux, mais… j’aime moins l’organisation et la pression qu’on se met pour trouver les cadeaux parfaits.

Moi: En plus j’haïs ça recevoir des cadeaux. Je sais jamais quoi faire avec. Et puis j’ai tout le bonheur qu’il me faut. [regard amoureux]
Le chum: C’est vrai, on sait jamais quoi t’offrir. [ne remarque pas le regard amoureux]
Moi: Du temps. Et je veux me sentir spéciale. C’est tout ce qui compte pour moi cette année.
Le chum: Okay, c’est noble. Mais c’est difficile d’offrir du temps cette année, alors…
Moi: Ben...j’aimerais VRAIMENT découvrir les parfums d’Annick Goutal, et je peux te transférer ma wish list du site Les Libraires. Barack a publié sa bio pis je suis beeeen tentée. Ah! Et y’a une compagnie de bougies que j’adoooore - ils en vendent au coin de la rue! Et y’a une compagnie qui fait des supers beaux leggings, c’est comme du mou chic pis j’adoooore le mou chic. Pis - [regard vraiment amoureux]
Le chum: … [ne remarque vraiment pas le regard amoureux]

Il a raison, le chum : difficile d’offrir du temps cette année. Je pense à mon argumentaire en faisant un énième lavage - les joies du multitâche que permet le télétravail. C’est un lavage particulier, pour tout vous dire. Une amie en arrive à son deuxième trimestre de grossesse et j’ai offert de lui donner mes vêtements de maternité. Ça implique quelques brassées, de la coordination au niveau du séchage des pièces délicates, mais aussi quelques larmes. Ces vêtements ont enveloppé ma plus belle création alors qu’elle grandissait contre mes tripes, palpitait près de mon cœur. Ces tissus ont caressé ma peau tendue tandis que j’assumais un appétit croissant pour le bonheur et le brocoli. Le chum et moi avons vécu une grossesse tellement heureuse et ces vêtements en ont été les témoins privilégiés, drapant notre petite boulette avant son entrée en scène. Toutefois, il est temps de passer à la suivante et faire de la place pour de nouveaux souvenirs.

Mais ce n'est pas “juste du tissu”.

Mais ce n'est pas “juste du linge”.

Ces emballages de coton, de soie, de viscose demeurent très significatifs et importants pour moi, alors que je les plie doucement puis les dépose dans un sac. Ils sont précieux et dignes de ce qu’ils ont enveloppé, de ce qu’ils envelopperont. 

Les Japonais ont initié ce respect de l’emballage il y a longtemps déjà en utilisant la technique furoshiki pour emmailloter les cadeaux, mais aussi permettre le transport d’objets du quotidien. Catherine s’y est mis chez Latibulle et bien que j’aie immédiatement été charmée par la beauté de ses tissus brodés, ce n’est que maintenant que j’en saisis pleinement la vocation. Avec ces pans de toiles, de soieries, de cotonnades diverses, on sculpte avec patience nœuds, replis et boucles pour sécuriser le petit rien tout beau qu’on compte offrir à Noël ou juste comme ça, parce que pourquoi pas ?

Difficile d’offrir du temps cette année, mais il est encore possible d’en consacrer à ceux qu’on aime. On choisit un peu moins, mais un peu mieux, et on prend le temps qu’il faut pour ceux qui en valent la peine. Puis on passe au suivant, pour que ce petit pan de fibres tissées génère de nouveaux souvenirs, sème de nouvelles émotions. 

Ce n’est pas évident de plier une robe de maternité, mais c’est certainement moins évident encore de vivre sa première grossesse en confinement. Alors je prends un temps pour elle, cette fille courageuse que j’aime beaucoup même de loin, pour trouver un pliage qui s’harmonisera avec les coutures, défroisser au mieux l’ourlet capricieux, poser doucement le résultat sur une pile croissante de vêtements bariolés d’anecdotes.

Ce n’est pas que du tissu. C’est un moment qu’on consacre à autrui, un nœud à la fois, un repli après l’autre. Un message qu’on lit avec les mains et qui se traduit par : “J’ai pensé à toi, j’espère que ça te fait plaisir”.

By the way, il y en a de toutes les grandeurs. Il paraît qu’il s’en trouve des petits de la taille des bouteilles de parfum d’Annick Goutal et des plus grands, parfaits pour la bio de Barack.

Je dis ça, je dis rien.

Au plaisir,

MSBe